Les prépas littéraires La réforme des prépas littéraires

Une réforme importante, en vigueur depuis 2009, affecte les classes préparatoires littéraires. En quoi consiste-t-elle ?

Il s’agit de la réforme de la BEL (Banque d’Épreuves Littéraires), qui est, en effet, une réforme considérable, voire une « révolution ». Depuis toujours, les classes préparatoires ont pour vocation de préparer le concours de l’ENS, qui comporte des épreuves dans plusieurs disciplines littéraires. La réforme consiste à organiser des épreuves communes à l’ENS et à toute une série d’autres formations. En d’autres termes, le concours écrit de l’ENS devient le socle des concours de toutes les écoles ayant souhaité rejoindre cette banque d’épreuves. La conséquence, pour nos étudiants, est la multiplication des débouchés.

Le débouché des classes préparatoires littéraires n’est-il pas, par définition, l’ENS ?

Si : le concours de l’ENS représente l’objectif visé et fixe le cap de la formation, ici comme ailleurs. À cet égard, soulignons que Compiègne (outre ses succès récents en école de commerce, à l’école du Louvre, et dans les cycles universitaires avancés, où ses anciens lui font honneur) enregistre des résultats chaque année au niveau de l’admissibilité ou de la sous-admissibilité. Cela mérite d’être noté, car l’orientation des étudiants est chose trop sérieuse pour être laissée à quelques classements journalistiques qui entretiennent, année après année, l’idée fausse qu’en dehors de quelques prépas généralement parisiennes, il n’y aurait point de salut. En effet, il ne faut pas perdre de vue le paradoxe suivant : la norme, lorsque l’on est étudiant en classe préparatoire — même à Henri IV ou à Fénelon — est de ne pas intégrer. Ainsi, on sait que la grande majorité des hypokhâgneux des classes les plus sélectives ne seront pas normaliens en bout de course. Comme nos collègues, nous nous battons pour donner les meilleures chances d’intégrer à nos étudiants, mais on ne saurait juger de la réussite ou de l’échec d’une formation sur la base exclusive d’un concours à 4% d’admis. La réforme, en multipliant les débouchés, rend cette logique définitivement dépassée.

La prépa n’offre-t-elle pas depuis toujours plusieurs débouchés ?

Si : passer le concours de l’ENS n’a jamais constitué un handicap. Mais présentons la situation d’avant la réforme. L’ENS étant un débouché restreint, les étudiants prévoyaient de poursuivre leurs études à l’université, ou passaient en même temps que le concours de l’ENS celui des formations (écoles de commerce, école du Louvre...) susceptibles de les intéresser. En cela ils se trouvaient désavantagés, car malgré l’excellence de leur niveau global, ils n’avaient pas été préparés spécifiquement à ces épreuves (ou les avaient préparées sur le temps normalement dévolu à la préparation du concours de l’ENS !) ; par ailleurs, ces épreuves s’ajoutaient à celles du concours de l’ENS, d’où un calendrier très lourd, irrégulier, et, dans le pire des cas, présentant des incompatibilités entre les différentes épreuves. En un mot, chaque école, chaque formation, faisait son concours de son côté.

En quoi la réforme de la BEL change-t-elle la situation ?

Cette réforme signifie que les écoles partenaires reconnaissent la pertinence du concours de l’ENS et s’alignent sur ses épreuves écrites : les épreuves de la BEL ne concernent plus seulement le concours de l’ENS, mais également les concours de toutes ces écoles. Ainsi, un étudiant n’a plus à passer les écrits de l’ENS, puis les écrits (n’ayant rien à voir) du CELSA, par exemple. Avec la réforme, il n’a plus qu’à passer les écrits de l’ENS ; le CELSA prend en compte ces écrits pour son propre concours.

Concrètement, quel est l’impact sur les débouchés des classes préparatoires ?

En passant le concours de l’ENS, l’étudiant en classes préparatoires passe en même temps l’écrit ou partie de l’écrit de plus de 30 écoles partenaires. S’ouvrent donc à lui, à l’issue de sa khâgne :

  • l’ENS, ou plutôt, les ENS : Ulm, Lyon, Cachan ;
  • l’université, qui délivre des équivalences dans sa spécialité ;
  • les IEP (instituts d’études politiques ou « sciences-po ») d’Aix-en-Provence, de Lille, de Lyon, de Rennes et de Toulouse ;
  • les écoles du concours ECRICOME Bordeaux, Marseille, Nancy, Reims, Rouen, Tours-Poitiers ;
  • les écoles de commerce de la BCE (25 écoles dont HEC/ESSEC/ESCP EUROPE/EMLyon/AUDENCIA/EDHEC/Grenoble) ;
  • l’ESIT (interprétariat, traduction) ;
  • l’ISIT (management et communication interculturels) ;
  • l’ISMaPP (management) ;
  • le CELSA (journalisme, communication, ressources humaines, publicité, marketing) ;
  • l’école des Chartes (histoire et patrimoine).
Est-ce la fin de la vocation littéraire des khâgnes ?

Aucunement, puisque ce sont les écoles partenaires qui s’alignent sur les épreuves des ENS, et non l’inverse. C’est même plutôt le contraire, puisque ces écoles reconnaissent la pertinence — maintes fois proclamée, et désormais entérinée — de la culture littéraire dans le monde professionnel d’aujourd’hui et de demain. Savoir lire, écrire, penser n’a, après tout, rien de superflu ni d’obsolète.

Je suis en prépa littéraire et je ne souhaite pas passer un concours d’école de commerce ; comment faire ?

Il suffit de ne pas s’inscrire. Au moment de l’inscription, l’étudiant devra préciser les écoles qu’il compte présenter sur une page commune ; il s’inscrira ensuite sur le site de chacune des écoles qu’il aura choisies. Signalons ici que l’inscription au concours de certaines écoles — notamment les écoles de commerce — est payante, contrairement au concours des ENS. Si le candidat ne veut passer que l’ENS, il lui suffira de ne cocher que la case concernée. Répétons-le : Compiègne compte fermement maintenir son orientation littéraire. Cette réforme permet de le faire — mieux : elle y invite — tout en multipliant les débouchés possibles. Nous l’adoptons avec enthousiasme, car elle va dans le sens de choix qui sont depuis toujours les nôtres.

Il n’y a donc plus qu’un concours pour tout le monde ?

Oui, mais il faut préciser que cela ne concerne évidemment que les écrits (épreuves d’admissibilité). Un concours, comme on sait, se déroule en deux étapes : premièrement, l’écrit, qui détermine l’admissibilité (premier écrémage, en quelque sorte), deuxièmement, l’oral, qui détermine l’admission (étape à l’issue de laquelle un admissible est reçu — « intègre » — ou non). Les différentes écoles gardent bien sûr leur oral propre, que l’on ne passe que si l’on est admissible à l’issue des écrits. Par ailleurs, certaines écoles de commerce ajoutent d’autres épreuves, qui leur sont propres, au concours commun ; mais celui-ci reste central. Enfin, pour préserver leur identité propre, les ENS de Paris (Ulm) et de Lyon (LSH) prévoient chacune deux épreuves spécifiques. Compiègne prépare ses étudiants au concours de l’ENS-LSH, mais ils peuvent également présenter le concours de l’ENS Paris en passant ces deux épreuves spécifiques — et non, comme auparavant, l’ensemble des écrits.

Si le candidat n’est pas admissible à l’ENS, il sera donc ajourné à toutes ces écoles partenaires en même temps ?

Non. Il faut bien comprendre que, si elles reconnaissent les notes communiquées par l’ENS pour les diverses épreuves, ces différentes écoles pondèrent les notes chacune à leur manière et fixent le seuil d’admissibilité pour leur concours comme elles l’entendent. En règle générale, leur seuil d’admissibilité sera plus large que celui de l’ENS ; même si ces concours sont eux-mêmes sélectifs, la réforme ne représente donc que des chances supplémentaires pour les candidats.

Pourquoi certaines formations ont-elles adhéré à la BEL et pas d’autres ?

Parce qu’il est normal que les écoles hésitent à renoncer à une partie de leur indépendance ! Le fait que tant d’écoles, et parmi les plus prestigieuses, se soient jointes à la BEL témoigne de la confiance faite à l’ENS et aux classes préparatoires. En 2009, deux formations, l’ISMaPP et l’école des Chartes, avaient amorcé le mouvement. En 2010, elles sont plus de 30. Mais il n’y a aucune raison de penser que l’expansion soit terminée.

Quelles sont les particularités de la prépa de Compiègne ?

Compiègne, contrairement à d’autres classes préparatoires, comporte un internat, qui permet d’éviter de perdre du temps dans les transports et contribue à créer des conditions d’étude favorables. Le cadre exceptionnel du lycée évite d’ajouter au stress de la classe préparatoire celui d’un environnement agressif, gris ou étriqué. Les effectifs par classe demeurent raisonnables ; ils sont variables selon les années, mais on ne trouvera pas de classes à 55 ou 60 étudiants — ce qui est, il faut le savoir, la norme ailleurs. Si la lutte pour la survie peut être un facteur de progrès, elle peut aussi absorber une énergie mieux employée à développer ses connaissances.

Quel est l’impact de la réforme pour Compiègne spécifiquement ?

Il s’annonce entièrement positif. La réforme ajoute un avantage aux classes préparatoires par rapport au premier cycle universitaire, en faisant des épreuves de l’ENS, auxquelles elles préparent, la base de nombreux autres concours. En outre, cette réforme, par le simple fait de rendre les débouchés plus visibles auprès de la population, devrait permettre de donner une idée plus juste du paysage riche et varié des classes préparatoires au plan national. La France, ce n’est pas Paris ou le désert — une vérité que Compiègne est particulièrement bien placée pour démontrer.